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Discours d’Obama à Hiroshima – manque de volonté manifeste et absence de mesures concrètes concernant le programme d’abolition des armes nucléaires

 Le discours prononcé le 27 mai par le président américain Barack Obama dans le Parc du Mémorial de la paix de Hiroshima (arrondissement du Centre) était imprégné de compassion pour les innombrables victimes de la bombe atomique et la sincérité des sentiments personnels du président ne saurait être mise en doute. Mais qu’en est-il du profond désir des survivants de la bombe : l'abolition des armes nucléaires ? Aucune mesure concrète n’a été avancée dans ce sens. Aucune indication non plus sur les progrès tangibles accomplis depuis 2009, lorsque pour la première fois il avait évoqué à Prague la vision "d'un monde sans armes nucléaires." Sa détermination, en tant que leader d'une superpuissance nucléaire, à se rendre à Hiroshima pour cette visite historique, aura finalement été source de grande déception.

 "Pourquoi sommes-nous venus ici, à Hiroshima ?" À cette question, le président Obama a répondu : "Pour pleurer les morts" … victimes japonaises mais aussi ressortissants coréens et prisonniers de guerre américains retenus alors dans la ville. Il a également évoqué le quotidien de la population de Hiroshima avant l’attaque atomique : "Le premier sourire de nos enfants le matin - nous savons que de pareils moments, précieux, se déroulaient ici il y a soixante et onze ans." Écho de leurs propres sentiments, ces paroles ont touché le cœur des habitants de Hiroshima qui attendaient cette visite depuis si longtemps. Et de fait, une compréhension de la tragédie humaine causée par la bombe atomique est un premier pas vers l’élimination des arsenaux nucléaires détenus par les puissances nucléaires.

 Le président Obama a déclaré qu’il fallait œuvrer pour l’édification d’un monde sans armes nucléaires, sans toutefois reprendre un passage de son discours de Prague : "Tant que d’autres nations détiendront des armes nucléaires, nous maintiendrons, pour notre défense et celle de nos alliés, une force dissuasive fiable."

 Comme on pouvait s'y attendre, le président Obama ne pouvait dire aux survivants de la bombe, que l’arsenal nucléaire des États-Unis protégeait le Japon. Il était frappant de constater que, plutôt que d'insister sur le renforcement de l’alliance américano-japonaise comme moyen d'éviter la guerre et la menace des armes nucléaires, Obama a affirmé le principe cardinal de "notre commune appartenance à la famille humaine".

 Le président a déclaré que, répétées tout le long de l’histoire humaine et condition préalable à l’usage de l’arme atomique, les guerres nous interpelaient sur un plan philosophique en nous posant une question fondamentale sur le sort de l’humanité.

 Les découvertes scientifiques peuvent aboutir à la production de machines à tuer toujours plus efficaces, a-t-il ajouté, avant de souligner le danger de poursuivre des recherches technologiques, dépourvues de valeur morale ou éthique, qui ont conduit à la création de la bombe atomique.

 Dès lors, il se devait de poser un regard critique sur le fait que les États-Unis recourent à ces mêmes technologies pour préserver et maintenir leur capacité nucléaire. Or, les États-Unis ont procédé à maintes reprises à des essais sous-critique et à des tests de rendement de leur arsenal nucléaire Jusqu'à l'an dernier, selon les dernières données du Département de la Défense des États-Unis, l'administration du président Obama a réduit l'arsenal nucléaire américain de seulement 702 ogives. Par comparaison, au cours des huit années d’exercice de l'ancien président George Bush, l'arsenal nucléaire avait été réduit de plus de 5 000 ogives. Obama apparaît donc comme celui des présidents américains qui a le moins fortement contribué à ces réductions.

 Il est également manifeste que l'approche américaine en vue de l'élimination des armes nucléaires reste opposée aux efforts internationaux déployés aujourd’hui pour l'abolition des armes nucléaires. En mai dernier, les États-Unis ont refusé de participer aux réunions du groupe de travail des Nations-Unies sur le désarmement nucléaire. Ce qui leur a valu de vives critiques de la part des puissances non nucléaires, mais le président n'en a pas fait mention dans son discours.

 La visite du président Obama à Hiroshima manifeste sans doute sa volonté d’un retour à sa vision première de recherche d'un monde dénucléarisé. Pourtant, au cours des sept longues années de son exercice, il aurait été en mesure d’accélérer les réductions des armements nucléaires. S'il ne prend aucune mesure significative, que retiendra l’histoire de sa visite historique à Hiroshima ?

(Yumi KANAZAKI)

(article du 28 mai 2016, édition du matin)

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