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Chronique & Article de fond

La Clef pour un monde sans armes nucléaires Réflexions sur le traité de l’interdiction des armes nucléaires

Le 20 septembre, 50 pays, avec l’espoir d’un monde sans armes nucléaires, ont signé un nouveau traité : « Le Traité de l’interdiction des armes nucléaires ». Malgré ce pas historique, la situation actuelle du monde est tendue. Interview avec Monsieur Keiichiro Hirano, écrivain, sur la signification et la valeur de ce traité ainsi que le rôle des citoyens d’une ville irradiée.

Visitant des endroits irradiés, à l’écoute des victimes

KH : Je visite des endroits irradiés par la bombe atomique et je m’arrête à un de ces endroits et regarde autour. Je ressens très fortement que plus que dix mille personnes sont mortes ou ont soufferts dans un rayon de plusieurs kilomètres.

J’ai senti cette souffrance mais aussi le charme de la ville actuelle et j’ai pensé aux gens que j’ai rencontré : Je n’arriverai jamais à dire que les armes nucléaires sont nécessaires. Pourtant, si on considère les armes nucléaires dans le contexte des stratégies de guerre, un rayon d’impact de plusieurs kilomètres n’est qu’un tout petit point sur la Terre.

Le Japon, sous la protection du « parapluie nucléaire » américain, ne signera pas le traité de l’interdiction des armes nucléaire. Ecoute le gouvernement japonais vraiment attentivement les voix des victimes de la bombe de Hiroshima et déclare-t-il ses propres intentions sur les armes nucléaires ?

YK : Dans le dernier livre, devenu best-seller, « A la fin de la matinée » de Keiichiro Hirano, un des protagonistes est un Hibakusha (personne irradiée par la bombe atomique) de deuxième génération. Lors de la commémoration de la 70ème année après le bombardement, Monsieur Hirano a lu un poème sur la bombe atomique au concert de l’orchestre de Hiroshima, dans la ville de Hiroshima.

KH : Pour moi comme écrivant qui s’intéresse aux problèmes des armes nucléaires, une des choses essentielles à faire était de lire beaucoup de littératures et poèmes sur la bombe atomique. Au concert à Hiroshima, j’ai lu le poème « Requiem », écrit par le poète Tamiki Hara qui a été lui-même exposé au bombardement atomique de Hiroshima.

Dans ce poème, les paroles des protagonistes sont très réelles et vives ; des histoires de leur vie quotidienne mais aussi du moment de l’explosion de la bombe, racontées par ces personnes, simples citoyens de Hiroshima, sont des messages très forts pour comprendre l’inhumanité de l’utilisation des armes nucléaires. La lecture de ce poème me semble un premier pas pour comprendre l’atrocité de la bombe atomique.

YK : Grâce aux pays signataires soutenant l’abolition des armes nucléaires, le traité de l’interdiction des armes nucléaires à l’ONU entrera en vigueur. Par contre les Etats dotés d’armes nucléaires ainsi que le Japon ne le signeront pas.

KH : Les pays opposés au traité disent qu’il y a une contradiction entre le traité et la protection du parapluie nucléaire américain et que le clivage entre les Etats dotés d’armes nucléaires et les Etats sans armes nucléaires est de plus en plus profond. Par conséquence, le régime de non-prolifération nucléaire basé sur le traité de non-prolifération (TNP) est compromis. Mais en réalité, le TNP lui-même permettant seulement à quelque pays de posséder des armes nucléaires, crée le clivage entre les pays de monde.

La plupart des arguments ne suivent que l’assertion des gouvernements. Pourtant, de telles attitudes sont très dangereuses. De nos jours, il a y trop d’informations sur internet et plus on a des informations, plus on a peur d’être considéré comme quelqu’un qui n’a pas assez d’informations. En conséquence, on « attrape » des informations qui ont l’air plausible et on les répète sans réfléchir, sans y porter un regard critique.

Alors chacun de nous les Japonais doit tout d’abord penser individuellement à ce que ce pays irradié doit faire et présenter sa propre opinion. C’est une prochaine étape de se soucier comment son gouvernement réagira à ces opinions individuelles.

YK : Monsieur Hirano pense que le gouvernement japonais doit signer et ratifier le traité. Dans son post sur twitter, il a critiqué l’attitude de son gouvernement qui est même opposé aux négociations pour le traité.

KH : La dépendance sur la dissuasion nucléaire est un produit du système de la guerre froide. La contradiction du Japon est que qu’il est le seul pays irradié par la bombe A et qu’il reste sous la protection du « parapluie nucléaire » américain.

Le problème de cette contradiction ne pourra pas être résolu par le Japon seul. Le Japon doit chercher son chemin vers une solution, en assumant sa propre contradiction et en la partageant avec d’autres pays du monde. Le travail du gouvernement japonais serait donc de définir comment partager sa position difficile d’une manière convaincante avec d’autres pays.

YK : Une des raisons pour laquelle le Japon reste sous la protection du « parapluie nucléaire » américain est que la Corée du Nord continue le développement des armes nucléaires.

KH : Je ne crois pas que tout espoir de dialoguer ou négocier avec la Corée du Nord est perdu. Ce pays ne cherche que la garantie du régime actuel. En créant un scénario avec lequel la Corée du Nord serait en accord, le Japon pourra enlever tout d’abord la tension, ensuite trouver une solution à moyen terme au problème des armes nucléaires.

Rien ne changera sans dialogue avec la Corée du Nord si nous attendons, sous prétexte qu’il est un « mauvais pays », jusqu’au moment où il abandonne complètement le développement des armes nucléaires.

Nous vivons dans une époque où le Japon garde une relation économique très étroite avec la Chine et la Corée du Sud. C’est une situation très différente du temps de la guerre froide où le capitalisme et le socialisme étaient opposés.En plus, il ne faut pas oublier qu’on ne doit pas regarder le monde en s’appuyant sur la dissuasion nucléaire.

Keiichiro Hirano : né le 22 juin 1975 à Gamagoori de la préfecture d’Aichi. Il a reçu le prix Akutagawa (équivalent du prix Goncourt en France) pour « Nisshoku (L’Eclipse) » en 1999 à l’âge de 23 ans, encore étudiant de l’université de Kyoto.

Interview par Yumi Kanazaki, publié le 21 septembre 2017, Chugoku Shinbun

Traduction : Kuniko Satonobu

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