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Témoin silencieux

Témoins silencieux : Mémoire du point Zéro, district de Nakajima

Le 1er janvier 2018, le parc du Mémorial de la Paix d’Hiroshima, situé dans le district actuellement appelé « Naka » était plein de visiteurs internationaux. Parmi les touristes d’Europe et d’Amérique, il y avait des Chinois et même une femme voilée, sans doute venue des pays islamiques. Les visiteurs ont fait la queue pour prier devant le cénotaphe pour les victimes de la bombe A, de la même manière que les japonais qui prient aux temples le jour du Nouvel An. Cette scène est devenue un paysage typique depuis que le Musée du Mémorial de la Paix d’Hiroshima a décidé d’ouvrir sa porte même le 1er janvier (Au Japon, tous les bâtiments publics sont en principe fermés pendant les trois premiers jours du mois de janvier).

A Hiroshima, le nombre de visiteurs, en particulier des pays étrangers, est en augmentation constante. Pourtant, combien de personnes peuvent-elles s’imaginer le district de Nakajima de l’époque, disparu soudainement sous leurs pieds à cause de la bombe atomique même après avoir visité le Musée du Mémorial de la Paix ou le parc ?

Le 6 août 1945, une seule bombe a carbonisé ce district de Nakajima abritant 4400 âmes. Au fil des années, de nombreux objets transmettant des souvenirs fragmentés de ce quartier ont été ramassés et collectés par les familles des victimes. Certains ont été découverts sous la terre du parc au moment des travaux de son aménagement.

La plupart des objets du district de Nakajima ont été conservé dans le dépôt du Musée. Certains gardent des traces de l’extrême chaleur ou de l’explosion mais ils étaient jusqu’à présent rarement exposés, malgré le fait que ces objets pourraient raconter beaucoup de choses sur le passé.

Lorsque la ville d’Hiroshima a entrepris des travaux d’excavation en 2015 pour renforcer le bâtiment du Musée contre le séisme, un grand nombre d’objets bombardés ont été à nouveau découvert.

Dans la zone de « Zaimoku-cho » où se trouvait autrefois une maison de distribution de lait, de nombreuses bouteilles de lait ont été déterrées. On a également trouvé des objets évoquant la vie quotidienne dans les maisons familiales comme une équerre brulée ou une palette de riz. Toutes ces nouvelles trouvailles sont conservées au Musée parmi lesquelles quelques-unes ont été exposées depuis l’année passée.

Dans une réunion de citoyens organisée en novembre dernier pour réfléchir sur ces objets déterrés, un homme qui a vécu son enfance dans le district de Nakajima a déclaré qu’il ressent l’envie de demander aux touristes qui marchent sur son quartier natal : « Marchez s’il-vous-plaît silencieusement, car beaucoup de gens dorment ici, sous vos pieds ».

Pourtant, les générations changent et même pour des ex-habitants de cet ancien quartier, il devient de plus en plus difficile de transmettre des souvenirs détaillés du quartier. C’est la raison principale pour laquelle il est important de raconter plus d’histoires perdues de ce quartier. Dans cet article, nous présentons quatre objets du district de Nakajima et leurs histoires.

Plateau de confiserie endommagé par une chaleur extrême

Après la guerre, ce plateau a été découvert dans les ruines d’une maison privée. Il a une trace de la glaçure fondue à cause des flammes à haute température. Un jeune garçon de la famille qui travaillait pour le déplacement des bâtiments a disparu, sa mère et une de ses sœurs sont aussi portées disparues à ce jour (Don d’Ensuke Kushima en 1973).

Vase pour une fleur

Le propriétaire de ce vase tenait un salon de coiffure dans le district de Nakajima. Le vase est la forme d’un visage de « Ebisu », dieu de la prospérité. On l’a trouvé miraculeusement à l’intérieur de l'abri anti-aérien situé derrière le salon de coiffure, tandis que le coiffeur lui-même a disparu. Sa femme qui a rouvert le salon de coiffure beaucoup plus tard dans un autre endroit a exposé ce vase dans son salon (Don de Kinuyo Nishiguchi en 1999).

Bouilloire

Cette bouilloire est si déformée qu’on la reconnait à peine. Elle a été trouvée dans les ruines d’une maison et d’un bâtiment d’entreprise situés à 300 mètres du point zéro. La propriétaire de la maison et du bâtiment a perdu trois membres de sa famille. La bouilloire a été soigneusement conservée par cette famille (Don de Sumie Fujii en 2013).

Bouteille de Choshi (bouteille pour servir le saké japonais) et verre fondu

Cette bouteille a été déterrée dans les ruines d'une auberge, une semaine après le bombardement atomique. Elle était sans doute rangée avec des verres ou des assiettes en céramique dans la cuisine de l’auberge car des morceaux de verre ou de céramique fondus sont attachés à la bouteille. Ainsi cet objet « explique » la chaleur extrême de l’explosion de la bomme A (Don de Hatsumi Tsushima en 1990).

Histoire du district de Nakajima
L'histoire du district de Nakajima remonte à la fin du 16ème siècle, lorsqu’une petite ville a été formée autour du Château de Hiroshima. C'était une zone de delta qui se situe entre la rivière Motoyasu et la rivière Honkawa. Cette région a prospéré, en particulier de la fin de l’époque d’Edo jusqu’au début de l’époque de Showa (du milieu du 19ème au milieu du 20ème).

La zone où se trouve maintenant le parc du Mémorial de la Paix ainsi que le quartier sud du parc était connue comme celle où il y avait beaucoup de maisons, d'entreprises, de temples, d'auberges et d'hôpitaux côte à côte sous les noms des quatre quartiers « Nakajima-honmachi », « Zaimoku-cho », « Tenjin-machi », « Motoyanagi-cho » et « Kobiki-cho ».

Cette zone se situait à l’intérieur de 500 m de diamètre à partir du point zéro de la bombe A et elle a été instantanément anéantie. Après la guerre, des cabanes ont été construites pendant un certain temps, mais sur la base de la loi de reconstruction de la ville de Hiroshima, promulguée le 6 août 1949, la construction du parc a débuté sur le terrain de 12.21 hectares du district de Nakajima, y compris le Dôme de la bombe A.

Le cénotaphe des victimes du bombardement a été achevé en 1952 et le Musée du Mémorial de la paix d'Hiroshima a ouvert ses portes en 1955. Lorsque le Dôme de la bombe A a été inscrit au patrimoine mondial en 1996, le parc du Mémorial de la Paix est devenu une zone protégée. En 2007, le parc a été désigné comme un « lieu de beauté nationale ».

Écrit par Miho Kuwashima et publié le 8 janvier 2018
Traduction : Kuniko Satonobu

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