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Éditorial & Opinions

Réactions de quelques intellectuels au discours du président Obama à Hiroshima

 Madame Akiko NAONO, professeur associé à l'École des études supérieures de l'Université de Kyushu : un recul depuis le discours de Prague.

 Le discours du président Obama m’a laissé l’impression qu’aucun des mots attendus, et ce, tout particulièrement à Hiroshima, n’avait été prononcé. En parlant de la guerre en général au lieu d’insister sur le caractère inhumain et l'horreur de l’arme atomique, comparée à de simples fusils, Obama a tout bonnement éludé la question des armes nucléaires. Quel a été le sens de sa visite au Musée du Mémorial de la Paix ? Le président est un habile orateur, son discours pourtant m’a paru manqué d’éloquence.

 Mais à qui s’est-il donc adressé ? Aux survivants réunis en face de lui ? Qu’il me soit permis d’en douter… Je dirais plutôt qu’en évitant de s’appesantir sur les ravages causés par la bombe atomique, il s’est tout simplement adressé à ses concitoyens.

 Au regard de sa déclaration de Prague où il exprimait sa détermination d’abolir les armes nucléaires, le discours de Hiroshima a clairement marqué un pas en arrière. "Cet objectif ne sera pas réalisé dans ma vie" : déjà prononcée à Prague, puis répétée à Hiroshima, cette phrase est l’expression d’un doute. Et c’est dans le contexte général de la tragédie de la guerre, plutôt que par considération pour le caractère aveugle des attaques nucléaires qu’il a mentionné les souffrances endurées par les enfants victimes de la bombe atomique.

 Je ne mets pas en doute la conscience intime du président Obama. Toutefois, il semble qu'il soit venu à Hiroshima dans le seul but de lancer un appel au renforcement de l'alliance nippo-américaine. Ne commettons pas l’erreur de nous réjouir d'une simple visite à Hiroshima et d’un discours vide.

 Il est consternant également de voir que Hiroshima ne lui avait inspiré qu’un discours aussi superficiel. J’ai le sentiment que nous payons aujourd’hui le prix de ne pas nous être résolument confrontés au passé et notamment à la question de notre mutuelle responsabilité dans la guerre du Pacifique. Bien loin du message abstrait du président Obama, c’est par des paroles et des actes qu’il nous faut désormais l’assumer.

(Masakazu DOMEN)

(article du 28 mai 2016, édition du matin)

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