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Éditorial & Opinions

Takashi HIRAOKA, ancien maire de Hiroshima : De belles paroles ne remplacent pas l’action

 Émaillé de citations littéraires, le discours du président Obama, qui prenait en compte les témoignages des survivants de la bombe ainsi que la présence de victimes coréennes, était certes éloquent. Et pourtant … J’avoue qu’il ne m’a pas touché outre mesure.

 La raison ? Il a éludé la question de la légitimité des bombardements atomiques alors qu’il était prononcé dans une ville qui en fut victime. Pas un mot non plus sur les mesures politiques à prendre pour parvenir à un monde sans armes nucléaires, cet objectif que le président Obama a lui-même préconisé. Cela ne rime à rien…

 À trop célébrer cette visite, nous courons le risque de voir s’établir l’idée que le Japon a de fait avalisé la décision américaine de lancer deux bombes atomiques. Or, nous devons l’affirmer avec force : les bombardements atomiques ne se justifiaient pas.

 Les armes nucléaires sont des armes de destruction massive, en violation du droit international. La poursuite de notre action en vue de l’abolition des armes nucléaires repose sur l’établissement des responsabilités des États. Tourner le dos au passé et regarder vers l’avenir … rhétorique pernicieuse qui n’engendre ni énergie ni soutien aux actions en faveur de l'abolition des armes nucléaires.

 Qu’a fait le président Obama au cours des sept dernières années pour nous rapprocher d'un monde libéré de la menace nucléaire ? Le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires (TICE), qu’il avait publiquement annoncé, n'a pas encore été ratifié. Un plan de plus d’un billion de dollars pour la modernisation de l’arsenal nucléaire américain au cours des trente prochaines années a été lancé. Triste décalage entre ses paroles et ses actes. Comme si, à un an de la fin de son mandat, il s’était servi de Hiroshima pour entrer dans l’Histoire. Le Premier ministre Shinzô Abe, qui accompagnait le Président Obama, a évoqué l'alliance nippo-américaine avec le mot "espoir", qu’il faut entendre comme un renforcement de l’alliance militaire sous couvert du parapluie nucléaire américain. Bien que les relations se présentent comme égalitaires, le Japon ne fait jamais que marcher dans les pas des États-Unis.

 Au-delà de l’effervescence suscitée par cette visite présidentielle, nous devons faire face aux problèmes et aux contradictions que connaît Hiroshima.

Masami NISHIMOTO

(article du 28 mai 2016, édition du matin)

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