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Histoires de survivants

Histoires de survivants : La peau de la joue terriblement brûlée, pendante comme un morceau de papier et flottant dans le vent

Raconté par M. Mitsuto Terakawa, habitant du district de Saeki à Hiroshima

La manche brûlée, le col taché du sang. C’est l’uniforme que M. Mitsuto Terakawa (87 ans) portait le jour du bombardement atomique et qui est « imprégné » de ses souvenirs de souffrances causées par les graves brûlures et des soins infatigables de sa famille.

M. Terakawa est né comme deuxième fils d'une famille d'agriculteur dans le village de Yahata (maintenant district de Saeki). À l'époque, il était étudiant de deuxième année à l’école de commerce de la préfecture d’Hiroshima mais il n’y avait pas de cours à cause de la guerre. Le matin du 6 août 1945, qui était son 15e anniversaire, il a été convoqué pour démolir un certain nombre de maisons au centre-ville afin d’éviter la propagation d’éventuels incendies causés par les bombes incendiaires.

Avec son camarade, il marchait dans la direction de Minami-machi (maintenant district de Minami) à partir de la gare d'Hiroshima. Quand ils étaient près de la station de tram de Hijiyama-shita, à environ 1.8 kilomètres du point zéro, il y a eu un éclair de lumière éclatant. Ils se sont précipités dans un abri anti-aérien à proximité, mais le côté droit de son visage, le bras droit et l'arrière de sa tête étaient directement exposés aux rayons extrêmement chauds de la bombe atomique.

« Il faut s’enfuir d’ici » s’est dit M. Terakawa. Il est monté sur la colline de Hijiyama et a regardé la ville d’Hiroshima en contrebas, qui était entièrement en flammes. En retournant à la gare d'Hiroshima, il a vu les traverses de chemin de fer également en feu. Les trains ne circulaient plus.

Évitant le centre-ville en flammes, il a pris un rond-point vers le nord et a atteint la station de chemin de fer de Koi (maintenant la station de Nishihiroshima). « Les gens blessés grouillaient autour du robinet à eau sur la plate-forme et moi aussi j’ai essayé de refroidir mes brûlures avec l'eau. Ce souvenir de l’époque me revient chaque fois que je passe par la plate-forme de la gare de Nishihiroshima », dit-t-il.

A partir de la gare d'Arate (maintenant station de Kusatsuminami), des trams circulaient. Alors qu'il s'accrochait au bord d’un wagon de tram bondé de gens, sa joue brûlée et détachée de son visage comme un morceau de papier flottait dans le vent et cela causait une douleur terrible. Ce soir-là, il a enfin retrouvé son père qui l'attendait anxieusement à la gare d'Itsukaichi.

Le temps le plus dur est arrivé juste après. Il est resté inconscient pendant trois jours et s'est réveillé à la voix larmoyante de sa grand-mère qui disait : « Mon pauvre petit-fils. Ton beau visage est ruiné ». Quand il regarda son visage dans le miroir, il vit la moitié droite entièrement brûlée, tout noire et enflée. Il se dit : « Qu’est ce qui va se passer… ». En plus, des vers de mouche se tortillaient sur sa joue et sous son nez, il se sentait désespéré. Il dit : « J’ai souffert non seulement de la douleur mais aussi des démangeaisons intenses et de la puanteur du pus ». « J’étais tout le temps alité à cause de la diarrhée et de la fatigue extrême causées par la radioactivité à laquelle j’ai été exposé »

La mère de M. Terakawa, Fujiyo, a fait tout ce qu'elle pouvait pour lui. Elle a même ramassé des os humains d'un crématoire et les a broyés en poudre en le mélangeant avec de l'huile, puis a étalé cette pâte sur sa joue. Petit à petit les cicatrices ont miraculeusement commencé à guérir.

Au printemps de l'année suivante, il est retourné à l’école de commerce. A ce moment-là, il a appris qu’en total 137 étudiants et enseignants de l'école ont perdu la vie suite au bombardement atomique. « De nombreux étudiants ont aussi été blessés. Mais malgré cela, ils ont fait des efforts pour continuer leur vie comme étudiants et ces attitudes m’ont énormément encouragé », déclare-t-il.

Puis, comme le système scolaire a été réformé après la guerre, il a fréquenté le collège de Kanon (dans le district de Nishi) pendant un an. « Les garçons et les filles apprenaient ensemble dans la même classe et nous avons élu des membres du conseil des élèves par votation. Ces choses étaient inimaginables pendant la guerre. J’ai pensé que la démocratie était une chose merveilleuse »

M. Terakawa est quelqu’un très positif et sportif. Il a commencé à l’âge de 19 ans, à donner des cours d'éducation physique dans une école primaire et en même temps il a suivi des cours à l’université pour obtenir un certificat d'enseignement. En 1954, il s'est marié avec Kazuko (maintenant 84 ans) et a eu deux filles. Après sa retraite, en tant que directeur d'une école primaire, il s'est occupé d'aider l'association sportive de son district scolaire et d'organiser des activités pour protéger les écoliers.

Sa défunte mère ne lui a jamais expliqué la raison pourquoi elle gardait son uniforme scolaire de l’époque, mais il suppose que sa mère « détestait » la folie de la guerre et le fait que tout le monde, y compris les enfants, sont tués sans distinction.

Quand il a l’occasion de raconter ses expériences du bombardement atomique dans sa communauté, il apporte son ancien uniforme scolaire et transmet le message que « l’on doit apprendre ce que les erreurs de l'histoire nous enseignent ».

En juillet 1945 (un mois avant le bombardement atomique), un avion de combat américain s'est écrasé dans son village et M. Terakawa a vu un soldat américain sauter de l’avion. « Mais je croyais qu'il était un ennemi et donc, j'avais peur d'aller près de lui pour le voir ». Ce soldat, amené à la ville d’Hiroshima comme prisonnier de guerre a ensuite perdu la vie suite au bombardement atomique le mois suivant.

M. Terakawa souligne : « Il ne faut jamais retourner à l’époque de la guerre. Les nations et les peuples doivent s'entendre pour maintenir la paix. Tenir des armes afin de menacer les autres nations empêche de construire une vraie amitié. Donc les armes nucléaires devraient être complètement abolies »

Écrit par Yumi Kanazaki, publié initialement le 9 mai 2018
Traduction : Kuniko Satonobu

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