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Témoin silencieux

Témoins silencieux : Une assiette trouvée dans les ruines d’une maison après le bombardement atomique, imprégnée de la tristesse d’un père ayant perdu un fils

Une assiette de style occidental trouvée après le bombardement atomique dans les ruines d'une maison brûlée. Elles ont été fouillées par un père qui a survécu puisqu’il était évacué dans une banlieue de la ville d’Hiroshima au moment du bombardement. L'assiette est imprégnée de la tristesse déchirante du père, car il a perdu son fils dont même le reste du corps n'a jamais été retrouvé (photo par Hiroshi Takahashi) L’assiette de 25 centimètres de diamètre semble être décorée d’un motif végétal, peint à l’encre. En réalité, l’assiette était à l'origine d'un blanc pur. Donc, ces dessins proviennent probablement de quelque chose situé à proximité qui a ensuite été transféré sur l’assiette à cause de la force de flammes féroces et de la température extrêmement chaude de l’explosion de la bombe atomique. L’assiette de style occidental que M. Kanichi Kinoshita, décédé en 2000, a trouvé en fouillant dans les ruines de sa maison.

Cette assiette a été offerte au Musée du Mémorial de la Paix d’Hiroshima par son troisième fils, M. Saburo Kinoshita (83 ans). D’après lui, son père avait évacué au moment du bombardement atomique avec lui-même et ses parents dans le village d’Otsuka (maintenant district d'Asaminami).

Le 6 août 1945, jour du bombardement, M. Kanichi Kinoshita vit un énorme nuage de champignon et pensa : « Quelque chose de terrible a dû arriver ». Il s’est précipité tout de suite vers le centre-ville d’Hiroshima. Car son épouse (34 ans) et son deuxième fils (13 ans), alors étudiant de deuxième année à l'école secondaire municipale d'Hiroshima (maintenant le collège de Muromachi), étaient restés chez eux à Kusunoki-cho (maintenant district de Nishi), qui était juxtaposé à leur usine de savon.

Lorsque M. Kinoshita a atteint à sa maison et son usine, situées à 1800 mètres du point zéro, il les a vu totalement brûlées et il n'a trouvé ni sa femme ni son fils. Mais plus tard, dans l'un des centres d'évacuation, il rencontra miraculeusement sa femme Yoshie, dont le corps était complètement couvert de brûlures horribles.

Cependant, son deuxième fils Michio, mobilisé à Koami-cho (maintenant district de Naka) pour démolir un certain nombre de maisons afin d’éviter d’éventuels incendies causés par les bombes incendiaires, n’est pas revenu. « J’ai marché partout, jour après jour à la recherche de mon fils. Je gardais un espoir qu'il reviendrait soudainement un jour », ainsi écrivait M. Kinoshita, avant son décès, dans un mémoire sur la bombe atomique dont il a fait don au Mémorial national de la paix d'Hiroshima pour les victimes de la bombe atomique.

Pour finir, M. Kinoshita n’a trouvé aucune trace de Michio. Désespéré, il a fouillé un jour dans les ruines d’un pavillon de stockage de sa maison et a récupéré l’assiette de style occidental. Ensuite il l’a placée à côté de l'autel bouddhiste de la famille comme si cette assiette était quelque chose lié à Michio. En fait, elle appartenait à l'origine au père de Yoshie, qui avait voyagé aux États-Unis et l’y avait acheté.

Yoshie, qui a perdu son cher fils et a souffert elle-même de graves brûlures, a souvent pleuré devant l’autel jusqu'au jour de sa mort en 1996, en disant que : « Je ne veux pas parler du bombardement atomique. Je ne veux pas me rappeler non plus de ce qui s'est passé ». À la suite de la mort de Michio, Saburo est devenu le dernier enfant de la famille Kinoshita, car Yoshie a perdu le premier et le quatrième fils avant le bombardement atomique.

En 2015, M. Saburo Kinoshita a fait don de l’assiette au Musée du Mémorial de la paix d'Hiroshima, espérant qu'elle sera soigneusement conservée pour les années à venir. « Je souhaite que cette assiette puisse être un témoin pour qu’une telle tragédie ne soit jamais répétée », a-t-il déclaré. M. Kinoshita garde toujours une image de son frère Michio dans laquelle il est toujours un jeune garçon souriant. Au début de chaque mois, il continue de visiter le cénotaphe pour les victimes de la bombe atomique devant lequel il prie silencieusement pour son frère.

Écrit par Yumi Kanazaki, publié initialement le 19 février 2018
Traduction : Kuniko Satonobu

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